Tu trembles, de rage, de peur, tu ne sais pas, mais tu trembles. Le noir coule et tâche la neige. Tu vois Abigail s'approcher de toi. Tu n'y fais pas attention, c'est un peu à cause d'elle que tu en es là. Enfin, ne l'accuse pas pour quelque chose qu'elle n'a pas voulu. Personne n'a rien voulu vivre de traumatisant ici, et pourtant ça arrive. Elle récupère la barre écrasée de tes mains. Tu es confuse, totalement confuse. Elle en prend un bout et le dirige vers ta bouche. Elle. te. fait. l'avion. Tu la regardes avec l'air le plus questionnant que tu ai eu de ta vie.

" Qu'est-ce que tu fous ? J'suis plus vieille que toi, j'te rappelle, pas besoin de me prendre de haut. "

Ça t'avait touché dans l'ego, un peu. Tu te sentais infantilisée par son action, et tu ne pouvais pas t'arrêter de penser que c'est grâce à ses actes passés qu'elle agit comme ça. Mais comme une enfant trop gâtée, tu tournes la tête alors qu'elle approche le morceau de ta bouche. La scène d'avant était déjà assez humiliante comme ça, pas besoin d'une deuxième. Tant pis pour ton repas, tu te débrouilleras le ventre vide. Elle te demande ce qu'il se passe. Tu hésites à lui en parler, elle est un peu déjà dedans sans le vouloir. Mais ça t'énerve, tu as encore l'impression d'être infantilisée. En réalité, tu es une enfant qui n'aime pas être considérée comme telle. Tu es frêle. Faible. Impulsive.

" Rien, j'suis énervée contre moi-même. C'est à cause de moi la merde dans laquelle on est. "

Ce n'est pas la raison de tes larmes aux yeux, mais on ne peut pas dire que tu ne t'en voulais pas pour cela aussi. Toi qui pensait avoir une idée révolutionnaire, tu t'es retrouvée ramenée à la réalité. Tu n'as pas arrêté de regarder le sol, depuis. Qu'est-ce que tu donnerais pour être avec ta soeur, avec ton chien actuellement. Tu donnerais tout.

Elle veut t'aider, tout simplement. Elle te ramène un peu à la réalité, Abigail. Même si tu n'en avais pas envie, tu es de retour. Les regrets, les émotions, l'égo c'est pour plus tard. Pour l'instant, vous avez une mission à terminer. Même si certains n'ont d'intérêt que l'attention d'une " célébrité ", tu continueras à te battre. La dame au bandeau désigne ton bras, et te rappelle ta blessure qui allait, effectivement, t'empêcher de manger correctement. Elle te rassure, même si elle pense que ton excuse était réellement la raison de ta colère, cela te fait du bien, et rechignant tout de même, tu récupères le morceau qu'elle te tend entre les dents, avant de le mâcher.

" J'ai pas envie de le dire, mais merci. "

Elle retire son bandeau, ses yeux clairs sont à l'air libre. Ils sont beaux, ça te rappelle le ciel comme celui qu'on pourrait voir à Andromeda. Tu restes quelques secondes obnubilée par le rêve qui voyage dans ses pupilles, mais revient vite à ta nourriture. Regard rapide croisé avec Lorenzo, que tu fuis le plus rapidement possible. Tu vas sûrement essayer de ne plus croiser son regard de l'expédition. Tu ne veux pas le provoquer plus, par peur. Si il n'était pas capable de te maîtriser sans soucis, tu te serais sûrement défendue.

" Faut pas qu'on tarde. Ariela, ça va un peu mieux ? " 

L'infirmière te répond, elle semble déjà en bien meilleur état, et surtout beaucoup moins pâle. Tu remercies encore une fois l'exploratrice pour son aide d'un sourire, chose rare que tu t'étais enfin décidée à montrer. Tu te relèves, et récupères tes affaires sur ton dos, prête à repartir. Et lorsque Lorenzo te regarde, tu baisses les yeux jusqu'à ce qu'il te laisse tranquille.