Masque sur le visage, tu caches ton expression. Ta bouche est noire, tu n'as que très peu envie de nettoyer, ça te fait chier même, mais c'est ce pour quoi tu as signé. Au moins, tu as l'occasion d'utiliser un planeur, chose qui t'amuses énormément. Tu t'étires, on peut entendre quelques craquements. Avec toi, un visage familier. Tu n'arrives pas à mettre le doigt sur d'où tu la connais, mais la première chose que tu te dis c'est que certains ont eu plus de chance que d'autres sur les mutations.

Aujourd'hui, tu avais mis ton pull, cousu par ta soeur. Peur d'avoir froid en planant ?Cela faisait trop longtemps que tu ne l'avais pas mis à tes yeux, plutôt. Il te tiens presque trop chaud, mais ce n'est pas grave, vu le temps qu'il fait. Tu es sûre de l'avoir déjà vue. Ces oreilles de chat, ses expressions te semblent beaucoup trop familières. Tu te dis que cela doit être étrange d'avoir une personne masquée comme toi en train de la fixer. Tu mets ton sac dans ton dos, et te diriges vers un des planeurs destinés à la mission.

" Bon, on y va ou merde ? "

Alors que tu t'apprêtes à décoller, c'est là que tu la reconnais. Tu t'en veux un peu d'être vulgaire, presque agressive avec elle, malgré le peu de souvenirs que tu as d'elle. Tu blâmes ta mémoire, un peu. C'est emmerdant, ça te revient juste pas. Tu sais que tu la connais, ou tout du moins, connaissais, mais son prénom t'es encore inconnu.  Cela doit faire trop longtemps.

Deux heures de nettoyage, avec une seule pause, vaut mieux y aller maintenant, et puis vous aurez l'occasion de discuter une fois là-haut. Vaut mieux se rendre utile, c'est vrai, mais tu t'attendais à quelque chose d'au moins autant excitant qu'un repérage. Mais bon, cela va te relaxer un peu de ne pas avoir à risquer ta vie, pour une fois. Putain. Tu es encore en train de la fixer sans t'en rendre compte. Tu détournes le regard, prend ton planeur à deux mains, et commence à courir, toujours ce masque, disons le honnêtement, un peu dérangeant, sur ton visage. Ta bouche n'est plus noire, ce n'est plus gênant, pour le moment. Tu décolles.

« Penche toi en arrière pour stabiliser ! plie les genoux si tu sens une bourrasque de vent t’emporter et relève toi doucement ! Pour te diriger fie toi au vent qui te percute, sens les courants d’air, leurs directions et  ne va pas dans leur contraire, dirige les plus qu'ils ne te dirigent cependant, choisis les bonnes routes d'air ! Et surtout regarde droit devant toi, seulement les yeux peuvent bouger pas la tête, tout moment de déconcentration peut être mortel ! »

Pourquoi elle te donne des conseils ? C'est pas la première fois que tu planes. C'est vrai qu'elle ne le sait pas, mais quand même. Et si ça pouvait t'être utile, tu n'as pas réussi à vraiment suivre de qu'elle te disait. Tu te dis que l'air sifflant tes tympans en était la cause, mais tu n'as juste pas fait attention. Tu jettes un regard sur le plafond de verre. Des débris de pierre, de la poussière y sont tombés. L'idée que tu puisses tomber dessus à tout moment t'effraies un peu. Tu reviens vite à tes esprits.

« Maintenant je vais planer plus haut pour enlever les débris, reste à ta hauteur de vol ! J’ai besoin que tu surveilles que rien ne tombe sur autre chose que le sol, on ne sait jamais, je ne veux aucun blessé ! »

Il est vrai que cette méthode est bien plus sécurisée, mais cela risque d'allonger la tâche. Tu pourrais l'aider, au lieu de juste surveiller les potentielles chutes. Et puis comment avoir des blessés alors que vous vous trouvez au dessus du verre ? C'est assez rare les gens trainant en bas de la paroi, et encore plus ici. Mais quelle idiote. Elle parle de vous deux, sûrement.

« Bon, ok. On échange les rôles après la pause, du coup. T'as pas besoin de te taper tout le travail non plus. Et j'me doute que c'est plus sûr de voler en nettoyant, mais ça serait plus simple si tu te poses, non ?»

Tu te contentes de faire des tours en planeur sans changer de hauteur,  comme elle te l'a demandé. Honnêtement, tu t'ennuies encore plus que si tu avais à nettoyer. C'est marrant cinq minutes de faire du planeur dans l'arche, mais sans les paysages du nouveau monde, tu t'en lasse rapidement. Une mélodie chatouille tes oreilles. Tu n'as pourtant pas de musique, et effectivement, c'est ta camarade de mission qui chantonne. Les notes ont un gout nostalgique, et te ramènent dans tes souvenirs. Tu jouais avec elle en sortant de l'incubateur. Elsa, c'est ça ? Tu te souviens de vos parties écourtées par vos ainés. Ce morceau, qu'ellle chante, c'est ce qu'elle t'avait fait écouter, auparavant. C'était avant que tu déménages. Avant que....Bref.

« Tout va bien Freja ? »

Au moins, c'est sûr, elle se souvient de toi. Ce n'était pas ton cas tout à l'heure, mais tu es rassurée, calmée, d'avoir une ancienne amie à tes côtés pour cette tâche ingrate. Ta bouche reprend sa couleur chair habituelle, et tu l'écoutes fredonner sans mauvaises pensées traversant ta tête.

« Ouep t'inquiètes, Elsa, rien à signa-»

Tu n'as pas le temps de finir ta phrase que tu vois des débris tomber devant tes yeux. Tu as eu chaud, les esquivant de très peu. Tu jettes un regard en dessous, voyant si leur chute ne cause rien d'embêtant, et tu soupires de soulagement en voyant que rien n'est arrivé en dessous. Tu entames une descente vers là où sont tombés les débris.

« Je m'en occupe, désolée. »

Tu étais impatiente de te mettre à jour sur ce qui était arrivé à Elsa pendant tout ce temps. Tu te poses à l'endroit où les débris ont atteris, et commence à récupérer les gros mocreaux, alors qu'un drone te rejoins.

Ordre de sa part, tu n'aimes pas ça mais elle a raison. Tu ne réponds que par un simple soupir. Bien que tu te souviens d'elle, ce n'est pas pour autant que tu apprécies qu'on te dirige d'une façon ou d'une autre. Agacement vite interrompu, tu es ramenée au sérieux par un énorme rocher qui passe, te filant une des peurs de ta vie. En attendant, il allait falloir le nettoyer, alors tu t'y diriges. Les habitants qui te font coucou d'en bas ne te font aucun effet, tu ne leur échange qu'un regard noir, caché par ton masque.

Alors que tu engageais la descente, tu perds l'équilibre d'un coup. C'était elle qui venait de te pousser. Atterrissage improvisé, quelques égratignures marquent ton corps alors que tu te poses sur le plafond. Enervée, du noir plein les lèvres, tu la cherches de l'oeil pour lui demander pourquoi t'a-t-elle bousculée sans prévenir. Tu la vois, là, en train de rire. Elle est contente que tu ailles bien, mais elle a le crâne ouvert. Il n'y a rien de drôle à propos d'une cicatrice de guerre. Bien que le but était de ne pas t'inquiéter, cela faisait simplement l'effet inverse. Alors tu gueules. Tu lui gueules dessus, la bouche assombrie par ta mutation.

" Arrête ça ! Ça peut être grave, viens là, j'vais regarder. "

Regard rapide sur les débris étant tombés, ceux-si sont gros, à tes yeux en tout cas. Tu n'imagines pas ce qui aurait pu se passer si l'une de vous deux avait été écrasée par ces pierres. Frisson face à l'image qui vient hanter tes pensées. Mais vite tu reviens à la réalité. Le temps qu'elle te rejoigne pour que tu puisses examiner la blessure, tu commences à retirer les débris comme tu peux. Hors de question que tu laisses une autre connaissance mourir à cause d'une imprudence.