Tu es chargée, tes affaires sont lourdes. Tout ceci te pèse. Ton arme à la hanche, un sac avec corde, couverture de survie, rations et ton carnet. Sans compter les couches de vêtements, et le masque d'hiver en plus de ton masque à gaz. Dans tes mains, le détecteur. Tu le regardes occasionnellement, quand tu n'as pas à te préoccuper du chemin potentiellement mortel. Ce n'est pas la première fois que tu t'y retrouves, effectivement. Plusieurs semaines de repérage avec Lorenzo t'ont bien fait retenir l'environnement, si bien que quelques croquis ont commencé à naître dans ton carnet. Les trois autres, par contre, jamais rencontrés. Enfin, tu as bien entendu parler d'Abigail, sa réputation la suit évidemment. Mais parlé ? Jamais. Tu te doutes qu'elle a toutes les capacités nécessaires au succès de l'expédition. Les deux autres ? Un peu moins sûr. Sergey semble savoir ce qu'il fait, à peu près, mais Ariela. Cela se voit que c'est une débutante. Et une infirmière débutante pour une mission de rang A, c'est risqué.

" Bon. Le but est d'arriver jusqu'à environs huit cent mètres et de redescendre avant que la nuit tombe. Pas de traînards. Deux pauses de quinze minutes. On reste proches, on garde l'œil ouvert -vous connaissez déjà la routine. Je passe en tête pour mette les points d'accroches et passer la corde, et puis je suis plus solide pour encaisser les bourrasques qui nous arriveront dessus. Abigail derrière moi en support, c'est la plus mobile pour le combat. Puis Frej', tu gardes l'œil ouvert et me prévient si on risque d'avoir une rafale. Ensuite Ariela, et Sergey ferme la marche pour défendre nos arrières et assurer le rythme. "

" Bien reçu. "

La montée est compliquée, et tes bottes s'enfoncent à chaque pas dans la couche poudreuse de neige. Tes yeux vacillent entre ton détecteur météorologique et Abigail, devant toi, pour suivre le rythme. Les ordres du meneur sont simples, précis, tu sais exactement ce que tu as à faire. Il te suffit de ne pas perdre l'attention, pour le moment. Le vent siffle dans tes oreilles, et des flocons se posent sur le bec de ton masque. Vous marchez pendant un bon moment, tout de même. Les conditions météorologiques ne favorisant en aucun cas la discussion, c'est le genre d'expédition que tu souhaiterais avoir à chaque fois. Et bien que cela t'avait permit de retrouver une vieille amie, c'est bien mieux que d'être de corvée de nettoyage sur le toit vitré de Deneb. Tu es sur tes gardes. Même si tu as du mal à garder ton attention sur quelque chose en particulier, tu fais de ton mieux pour te concentrer. De temps en temps, tu jettes un oeil dans le ciel, priant pour ne pas voir de Noktuo Päsi. Une main sur ton arme te permettrait de dissiper leurs effets à tout moment avec le déploiement d'une fumigène, mais pour l'instant le ciel semble clair. Ou en tout cas, de ce que tu peux voir à travers les verres de ton masque. L'appareil semble s'affoler.

" Risque de rafale, Lorenzo. "

L'expédition peut très bien se passer, si tout le monde était un minimum expérimenté. Tu doutes des capacités d'Ariela à suivre. Si elle panique, elle peut entraîner tout le monde avec elle au fond du gouffre. Tu te retournes et lui jettes un regard droit dans les yeux, alors que la bourrasque fait voler tes cheveux roux, faisant presque tâche dans ce paysage blanc. Tu ne la regardes que quelques secondes, sans rien dire. Elle a l'air confuse. Tu reprends tes esprits, concentre toi. Tu ne faisais pas attention, et en ayant accéléré ta marche sans t'en rendre compte, tu te cognes face au dos de l'héroïne du peuple. Tu baisses vite la tête pour éviter de la blesser avec ton masque, et recule de quelques pas.

" Bon, faut avancer maintenant. "

Ça a beau être ta faute, tu ne comptes pas pour autant t'excuser, pas le temps pour ça dans ces conditions risquées. Ta voix est froide, tu ne souhaites pas t'embêter plus longtemps avec ça, juste parce que tu lui est rentrée dedans par maladresse.

Elle te réponds par un simple signe de main. Peut-être est-elle plus professionnelle que tu ne le pensais, et que tout ça n'est pas juste une image. Mais continuons. Se déplacer devient de plus en plus dur, et la montée est rude. Tu te demandes encore combien de temps avant de poser le premier point d'accroche sur la montagne ? Il fait froid, mais tu sues quand même. Ta bouche est teintée de noir alors que tu soulèves ton masque à gaz pour laisser respirer un peu ton visage. La bourrasque enneigée que tu prends est désagréable, mais aide à faire disparaître la sueur qui apparaissait dûe à ton masque collé à ton front depuis trop longtemps.

D'un coup, tu te sens tirée. Tu dégaines rapidement ton arme et l'enfonce dans la neige du mieux que tu peux, pour éviter d'entraîner tout le monde avec toi. Tu te retournes pour voir d'où cela venait. La débutante avait légèrement glissé. Tu lui lances un regard noir, aussi noir que ton sang actuellement, fortement agacée par la scène.

" Mais comment c'est possible d'être un boulet pareil ? C'est pas compliqué de garder les pieds sur terre putain, c'est pas le moment de se faire emporter, on a pas encore rencontré de réel danger. "

Tu es sur les nerfs. Tu te frottes le visage et le pansement t'agaces. Tu l'arraches sans précaution, réouvrant la plaie. Ton sang noirci coule, et tu remets ton masque avant de reprendre la marche après que l'autre se soit relevée. En parlant d'elle, ta remarque n'a pas l'air d'avoir un quelconque effet bénéfique sur son humeur. Normal, c'était le but. Mais tu n'as rien à faire d'une débutante telle qu'elle. C'est à cause de gens comme elle que des gens meurent en expédition, c'est à cause de gens comme elle que ta soeur est morte. Ton arme est désormais pleine de neige, tu pries pour qu'elle marche encore, tout de même. Enfin du moment que la neige ne fond pas, ça devrait aller, mais la distance de tir risque d'être assez réduite. Tu tapotes le canon vers le bas, essayant d'en ressortir un peu. Cela marche à moitié. Mieux que rien.

Le détecteur s'affole à nouveau. Tu n'étais pas concentrée, et tu mets du temps à réagir. Tu t'apprêtes à annoncer la bourrasque arrivant, mais à peine tu ouvres la bouche que Lorenzo, n'ayant pas prit ses appuis de part ton manque de communication, manque de tomber, et d'entraîner tout le monde. Au final, Freja, tu n'es pas mieux qu'elle. Tu t'excuses en bégayant, ayant laissé tomber la carapace agressive, celle-ci brisée par la honte que tu ressens actuellement.

-Lupi.

Tu n'as pas fais assez attention, et vous voilà encerclés. Tout le monde dégaine son arme, et toi même sort ton lance-grenade. Tu n'as pas la meilleure arme pour la mission, sachant que tes compagnons ne sont pas équipés de quoi se protéger de tes gaz. Sans quoi, tu aurais simplement balancé un nuage de somnifère et endormi le groupe de canidés. Par contre, une utilité de ton arme, qui pourrait vous sortir de là sans les tuer, faire diversion. Une fusée de détresse pourrait sûrement attirer leur attention afin de les assommer. Ou alors, tu pourrais prendre les risques. Te détacher, et passer la corde à Sergey. T'éloigner en courant, pour que tu sois poursuivie par les loups, et lâcher une paralysante une fois les autres explorateurs hors de portée. Bien que plus dangereux pour toi, pour le reste cela pourrait bien être plus sécurisé.
Tu charges la munition dans ton arme, et tu détaches l'accroche, avant de la passer à ton camarade derrière toi. Beaucoup de risques inutiles, tu vas le regretter.

" J'vais faire diversion, couvrez vous le visage. "

Cette idée était totalement stupide, et montrait ton manque d'expériences sur les expéditions de plus haut niveau. Tu avais plus de risques de te faire dévorer qu'autre chose en faisant ça, mais bon. Tu remets ton masque avant de tirer une fusée de détresse en direction d'un des Lupi. Elle lui passe à côté, et semble avoir pris son attention pendant au moins deux ou trois secondes, au moins jusqu'à ce que le tir atterrisse dans la neige quelques mètres plus loin. Tu en profites pour prendre ton élan. Tu es assez lente, ça reste de la neige après tout. Tu arrives à distance égale de deux de la meute, et essaye de tirer au sol. Ton arme fait un bruit de blocage, et tu sens des crocs s'enfoncer dans ton bras. Quelle idée de merde, effectivement. Tu te débats, et dans tes mouvements, tu appuies sur la gachette une fois de plus. La munition sort, et au lieu d'exploser directement, cogne contre les dents du Lupi, avant de retomber sur le verre de ton masque et d'enfin se déployer. Un nuage de fumée t'entoure toi et le lupi qui mordait ton bras.

Ton plan ne s'est effectivement pas passé comme prévu, mais au moins l'un d'eux a été touché. Tu sens la morsure légèrement se relâcher. Un somnifère ? Tu avais pourtant chargé une paralysante. Oh, tu ne sais plus. Du sang noir coule abondamment de ta plaie. Tu te relèves, et sors comme tu peux du nuage, en attendant de voir la suite des évènements, espérant que le nuage ne les ait pas atteint.

Un ordre sec, de la part de l'héroïne du peuple. Et alors que tu t'apprêtes à la suivre elle se fait attaquer elle-même par un canidé. Un milliard de pensées te traversent l'esprit.

Est-ce qu'on va mourir ici ? Putain, je sers à rien. Arrête de dire ça, tu en as endormi un, tout de même. Mais ce n'est rien, je me suis blessée en faisant ça, alors que elle, ça lui est beaucoup plus facile.

Et justement, à ce moment là, tu vois le Lupi couiner, alors que Abigail venait de le repousser. Tu es rassurée par son talent. Elle attrape ton bras, tu laisses échapper un petit gémissement de douleur alors que du sang continue de sortir de ta plaie. Des gouttes noires tâchent la neige alors que vous courrez pour revenir au groupe. Enfin rejoint, tu reprends la formation. Ta blessure t'empêche de lever le bras sans douleur, et tu tiens désormais ton arme avec une seule main. Ça ne serait qu'une cicatrice de plus, mais le problème va plutôt être la visée, si tu souhaites attaquer à nouveau. Tu cales ton lance-grenade sous ton bras et charge comme tu le peux une cartouche paralysante. Tu vises un des Lupis du mieux que tu peux, et appuie sur la gâchette. Mais rien ne sort. Quelque chose bloque le canon ? Tu y jettes un oeil rapide, pour voir que c'est la neige qui empêche de tirer. La putain de neige qui s'est incrustée à cause du faux mouvement de la débutante, plus tôt. Ta respiration s'accélère, et tu regardes tes camarades.

" Mon arme marche plus. Putain. "

Le stress est au plus haut, et tu ne sais pas quoi faire. Tu cherches un moyen de te rendre utile. Tu relèves ton masque, et le froid t'agresses le visage, mais ce n'est pas grave, tu vois mieux maintenant. Tu vas les aider, d'une façon ou d'une autre. Les prévenir. C'est une bonne idée. Tu vas appeler les attaques de la meute lorsqu'elles arrivent, pour que ton escouade soit sur ses gardes.

" Lupi à dix heures, sur Lorenzo. "

Et effectivement, le loup courrait en direction de l'autre éclaireur, prêt à lui bondir dessus. La communication devrait l'aider à mieux réagir, tu espères.