La lune te regardait. Tes pas résonnent, malgré le bruit ambiant de la rue. Les gens parlent, ont l'air d'apprécier leur soirée. Tu es seule, tu n'as pas ton masque pour te cacher. Quelques personnes te regardent, mais sans plus. La lune est celle qui te fixe. Ton masque est peut-être celui qui attire l'attention. Mais bon, tu es plus à l'aise dedans. Ta bouche n'est pas noire, tu te sens bien. Il y a du monde, mais pas trop. Juste assez pour que tu puisses marcher sans avoir à te frayer un chemin par la force. Ils parlent fort, ça ne te dérange pas. Contrairement à d'habitude, tu es sortie sans musique. L'air frais te caresse le visage, et tes cheveux volent légèrement. Même avec ton pull, tu as un peu froid. On te bouscule. La personne laisse échapper un simple " Ah, désolé ", mais tu ne fais pas attention et continue de marcher. Le paysage t'inspire, pourquoi pas dessiner tout ça ? Carnet en poche, pourquoi ne pas tenter. Mais il te faut un endroit calme. Plus calme qu'ici. Où personne ne t'embêterait à demander à voir ce que tu fais. La hauteur semble une bonne idée. Qui donc passe sur les toits à part quelques âmes égarées comme toi ? Pas grand monde, effectivement.

Tu te faufiles dans une ruelle. Tu grimpes comme tu peux le haut du bâtiment. De fenêtre en fenêtre, en t'aidant des bordures. Tes mains usées font toujours leur travail. Tu pries pour que personne ne te voit, et surtout tu pries pour ne croiser aucun regard aux fenêtres que tu escalades. Seul le reflet de la lune dans les vitres éteintes semble te remarquer. Tu te hisses en utilisant toute ta force sur le toit de l'immeuble. On voit mieux les étoiles, d'ici. Tu prends une grande bouffée d'air. Tes poumons s'emplissent de liberté, tu te sens bien. Tu sors ton carnet en cherchant le bord, pour une meilleure vue. Tu ne fais pas attention, et tu marches sur un emballage de ces nourritures pré-fabriquées que l'on vous sert au quotidien. Tu t'apprêtes à le ramasser mais quelque chose t'arrêtes, ta main. Un pansement que tu avais appliqué sur ta paume était parti pendant ta session d'escalade, et la blessure s'était réouverte, du sang coulait. Avant même que tu puisses y faire quelque chose, une voix semble te parler.

" Qui est là ? "

Tu ne sais pas si elle s'adresse à toi, mais vu le bruit que tu viens de faire, c'est totalement possible. Ça t'embêtes un peu de croiser quelqu'un, mais bon, tu es plus l'invitée qu'elle ici, étant donné que c'est ta première fois à cet endroit. Tu te découvres, les mains en l'air, quelques gouttes tombent de la gauche, au sol. Tu ne voulais rien risquer, et ne sait pas de quoi cette personne est capable. Tu la vois, elle et ses cheveux rouges. Tu t'en approches. Elle a sa main sur ce qui ressemble à une arme à côté d'elle, et un carnet est posé sur ses jambes.

" J'suis pas dangereuse, pas besoin d'être autant sur ses gardes. Et même qu'est-ce que tu fous sur un bâtiment, arme à la main en plein Deneb ? "

Ta voix froide le cache, mais tu as peur. Tu ne la connais pas, et à tout moment tu viens de creuser ta tombe. Tu joues la carte de l'exagération, dans l'espoir de la déstabiliser, et de faire en sorte qu'elle ne t'attaques pas. La lune vous regarde, dans son ciel étoilé.

Elle te regarde. Tu t'approches d'elle, et t'asseyes en tailleur à ses côtés. Tu doutes qu'elle te blesse, même si la possibilité n'est pas éliminée. Mais tu n'es pas armée, et même si tu l'étais, tu ne lui aurais fait aucun mal. Tu as beau en donner l'impression parfois, tu n'aimes pas te battre. Loin de là, même. Enfin bref, elle passe le temps, comme toi. Ses cheveux rouges donnent vie au reflet de la lune, tu les regardes pendant quelques secondes, presque hypnotisée. Tu as peur, et la couleur de ton sang le montre, mais elle ne le sait pas, ça. En réalité, tu angoisses. Tu ne t'attendais pas à croiser quelqu'un ici.

" J'me baladais pour me changer les idées. On s'fait un peu chier à Deneb. "

Tu remarques son carnet et son crayon. Tu relèves ton masque, et prend une grande bouffée d'air. Tes yeux se déposent sur son croquis. Ça te rappelle un peu tes dessins. Tu ne peux pas t'en empêcher, mais étant un de tes domaines favoris, tu poses la question qu'on t'a déjà tant posée en voyant ton carnet, après lui avoir répondu.

" J'me sens protégée, avec mon masque. Mais tu dessines quoi, d'ailleurs ? "

Tu te penches un peu vers son carnet pour mieux voir. Tes pupilles scrutaient chaque courbe, chaque trait qui avait été dessiné sur le papier. Peut-être était-tu un peu trop dans l'espace personnel de cette personne que tu venais de rencontrer, mais peu t'importait. Tu étais perdue dans son dessin, presque émerveillée de trouver quelqu'un avec le même hobby. Après quelques temps penchée, tu vas pour prendre ton carnet, dans ta poche.

" Moi aussi je dessine, regarde. Je fais les paysages que je découvre en repérage, d'habitude. Mais là j'avais envie de faire Deneb, c'est pour ça que j'suis montée. "

Tu lui tend ton carnet, un grand sourire aux lèvres. Déjà tu avais retiré ton masque, ce qui arrivait peu souvent, mais tu étais à l'aise, et ta bouche reprenait son habituelle couleur rosée.

Les pages de son carnet se tournent peu à peu, et tes yeux se posent sur chaque dessin. Tu les trouves chacun magnifique, il y a assez de variété pour que tu te retrouves émerveillée. Pour une fois, tu te sens à l'aise avec une inconnue. Le fait que vous ayez des intérêts similaires aide beaucoup, et même si son arme n'est pas loin, elle n'est pas hostile pour autant.

" Honnêtement, c'est magnifique. Tiens, tu peux regarder les miens aussi, si ça te dit.

Tu ouvres à ton tour ton carnet, la laissant observer tes dessins à toi. Elle se présente alors. Elle pense que tu es une exploratrice, c'est peut-être le masque qui donne cette impression ? Mais non, tu n'es pas de ce genre. Bien qu'il arrive de te battre, c'est surtout pour survivre plus qu'autre chose. Tu ne tues pas, tu ne tueras jamais, en réalité.

" Non, j'suis scout aussi. J'évite de tuer la faune, ils ont le droit de vivre aussi, après tout. Et sinon, moi c'est Freja. "

Première fois que tu tiens le regard de façon amicale. Tes jambes se balancent au dessus du vide, et tu récupères un crayon de ta poche. Une rencontre telle qu'elle est toujours agréable, et tu souhaiterais continuer de la connaître, tout en dessinant. En espérant de ne pas l'embêter, car ce fut un calvaire de grimper ici sans se faire découvrir par les habitants.

" J'espère que ça te gêne pas si je te rejoins ? "

Elle complimente tes dessins. Cela te fait sourire, c'est rare que quelqu'un puisse voir tes dessins, alors les complimenter. Cette Kara est privilégiée, en quelques sortes. Voir ton visage, pouvoir observer un sourire de ta part et en plus que tu lui montres tes dessins de toi-même ? On ne te reconnaîtrait presque pas, Freja. À l'aise avec une inconnue, de plus.

Enfin bref. Elle ne t'a jamais vu auparavant, toi non plus en réalité. Enfin, même si tu l'avais déjà rencontrée, rien n'est dit que tu t'en souviendrais. Tu l'observes plus en détails, pour voir si son visage te revient d'une façon ou d'une autre, mais rien.

" J'porte souvent mon masque, mais si tu l'as jamais vu non plus ça veut dire que c'est la première fois qu'on se rencontre. "

Regard vers la rue encore habitée malgré l'heure, elle a raison, tu devrais faire quand même faire attention, vous êtes plutôt haut. Mais heureusement pour toi, ça ne la gêne pas que tu t'installes ici. Elle reprend son crayon et commence à dessiner. Tu ne peux t'empêcher de la regarder développer son croquis, avant de faire de même, commençant à dessiner la rue de ton côté.

" Je dessine depuis que j'ai commencé à partir en expédition, ça fait quelques années, et toi ? "

Intriguée par sa personne, tu as envie de lui demander mille et une questions, pour une fois que tu n'agresses pas à la première phrase, autant développer votre relation. Alors tu te grattes la tête, plusieurs choses te viennent en tête.

" Euh... Est-ce que tu écoutes de la musique ? "

Question digne des discussions les plus simples, on voit que tu n'as pas l'habitude d'une discussion, Freja. Mais gênée, et souhaitant te concentrer un peu sur elle, ton crayon ne bouge pas, laissant un point marqué au milieu d'une page blanche, sur lequel tes yeux se fixent un petit moment, le temps qu'elle réponde à la question. Une inquiétude intérieure vient gratter ton cerveau, l'idée de se faire attraper ici par Noé.exe t'inquiètes légèrement. Tu avais oublié pendant quelques instants qu'il n'y avait pas que des humains à l'arche.

" D'ailleurs... on risque rien par rapport à Noé, ici ? "