Alexandre le Grand. Genghis Khan. Napoléon.
Telles sont les silhouette qu'entraperçoit Ayush quand son reflet croise un miroir. Quand son ombre écrase une de ses conquêtes. Comme ses grands homme, le bel éphèbe vit pour pour gagner. Pour le pouvoir. Pour la conquête et le monopole. Tout pour que son nom suinte des murs et s'échappent des lèvres. La domination, c'est son opium, sa raison de survie. Et qu'importe si il faut se montrer mesquin, charmant, violent, fallacieux, honnête ou même encore - quelle idée - humble. Ayush serait prêt à détruire milles et uns portraits pour gagner, n'en déplaise à Dorian, sa beauté et sa jeunesse n'est qu'un atout, pas une fin en soi. Une corde de plus à son arc, une carte de plus dans sa manche. Il les collectionne les atouts, Ayush, les étalent sur la table, un sourire terrible sur le visage. Point de bluff ? Jouer franc-jeu pour déstabiliser l'ennemi ? Non. Car toujours une carte restera cachée. Jouer avec un coup d'avance, c'est sa philosophie, son idéal à atteindre. Il est comme l'écho de ses génies manipulateurs qui n'appartiennent qu'à la fiction. C'est ce que les autres pensent, c'est le mythe qui a construit autour de sa personne...  
Avec tant d'application qu'il a finit par le croire et c'est sans doute sa plus grande faiblesse, l'Ego. Ironie mordante. De Narcisse à Icare, il n'apprend rien et continue de s'élever bien au delà de ses capacités. À la vérité, la vraie, la brute : Ayush n'est pas plus malin qu'un autre. Et son opportuniste et bien là, un de ses rares atouts. Le bon moment, le bon endroit. Un talent inné en communication. Voilà tout ce qui fonde un mythe, voilà comment se fondre dans une image inventée de toute pièce. Car c'est plus simple ainsi. Le stéréotype, l'image, l'histoire. De celle qu'on raconte aux enfants : celle d'un homme à la richesse incommensurable et au faste indécent. Un jouer d'échec qui aligne les autres comme il aligne ses pions. Nulle nuance dans ce personnage - il hait l'échec, jouis de la société sans s'y investir, domine les autres et leur histoire.... De conquérant à conteur, il n'y qu'un pas. De dominant à manager, voilà bien ça. Et parce-qu'il déteste les nuances ses rapports aux autre sont simplifiés au maximum : Employé. Conquête. Produit. Ennemi. Jouet. Nulle amitié sur la table, ni amour, ça serait s'avouer vaincu par un autre. L'apprivoiser est impossible, l'enfermer relève de l'utopie. Il y bien de ci, de là, des amants, aventure effarouche. Ou bien des plaisantins sans intérêt qui rentre dans ses bonnes moeurs - magnanime, il les laissera croire qu'ils lui sont égaux et qui les estiment. Illusion bénéfique quand il faut s'afficher, la solitude ne vend pas. S'afficher, voilà un de ses talents : c'est facile quand on est né beau ; aisé lorsque que l'on sait quel tissu revêtir, quel posture adopter ; un jeu d'enfant lorsque l'on fixe les règles du mondain. La rumeur a en effet tout faux : Ayush n'a cure de vous divertir, le lieu pour tout oublier qu'on vous vend n'est que traquenard. Une arme pour s'asseoir comme conquérant pour le mieux, un attroupement substantif crée pour flatter son Ego au pire.

Un immeuble surplombe la ville, offrant aux badauds un coin d'ombre des plus espérés au coeur de la chaleur de Calcutta. C'est dans ce building immenses, aux vitres caressées par Hélios qu'une scène des plus terrible prendra place. Un ascenseur bloqué. Une femme enceinte terrifiée. Des eaux qui se perdent, noyant tout espoir de sécurité. L'enfant survit et pousse des pleurs singuliers alors que la vie s'échappe à ses côtés.       

Mais on s'y attarde pas. Qu'importe le chagrin, qu'importe le manque : l'enfant a encore un père, attendant patiemment son épouse enceinte jusqu'au cou, tout en haut du building. Ce dernier mal avisé ne sait y faire, le destin a voulu qu'il soit bien trop occupé à gérer des inconnus, pour gérer son marmot. L'amour est pourtant présent. La morale aussi, celle qui tentera d'inculquer à ce nouvel arrivé dans l'univers.

La richesse ne fait pas l'homme.
L'autre compte.
Il ne s'agit pas de gagner, mais d'aimer.

Mais que vaille les mots lorsqu'ils sont envoyés par sms, jetés au détour d'un matin où l'homme est trop pressé au mieux. Que vaillent t'il alors que d'autres mots les recouvrent, des rumeurs chuchotés par des silhouettes qu'on remarque à peine. Une envie, une jalousie... Et le garçon se perd dans ses murmures. Il s'y complait même, projetant une image sur son propre sang : un paternel absent, intéressé, avide de pouvoir. Il en oublie tous ses gestes d'amour, ses efforts pour l'emmener au parc, ses bisous volés mais jamais oubliés. C'est trop dur de se dire que papa l'aime mais n'est pas là. Trop complexe pour un si petit corps. Ayush a toujours haï les nuances. Son mojo a lui était plus simple, plus proche de son monde d'enfant : les histoires, et de celles où les personnages sont des blocs de granit. Papa était un vilain, sans doute, mais du genre qu'on admire. Un conquérant qui finit toujours par gagner, écrasant le bras du héros dans son duel : aucun compromis pour son personnage, ce fardeau sera son cadeau.

Et sans doute, cette histoire aurait pu se complexifier, sans doute ce narrateur pas tout à fait omniscient aurait pu grandir. Apprendre. Saisir les nuances... Mais cet acte impardonnable lui bloqua toute chance. Bien pire qu'une mauvaise histoire, une histoire dérobée.  

Ça s'est passé rapidement. La nuit. Le rapt. Les rêves étranges... Trop longs, trop évanescents. Et ce réveil qui les battra tous : un nouveau monde chasse les songes. Tout espoir, toute rêverie et seule persiste la réalité. Trop dure, intolérable. Il faut pourtant survivre, vaincre le deuil, reconstruire, rencontrer ses autres âmes en peine mais que peut-faire un enfant qui ne connait que des histoire face à la fin de toute chose ?

Rapidement Ayush se replie sur lui-même et il lui faudra bien quelques-années, quelques mois pour saisir sa chance. Un jeu de carte - souvenir périssable. Un jeu de carte - et de cet objet d'antan, il fondera son avenir. Il capte ses premiers regards, ses premiers rires, ses premières frustrations et cet enfant au modèle unique, fantasmé, déformé par un miroir sans subtilité, il verra le pouvoir. Il verra la conquête.

De ses songes perdus à son empire, il n'y aura finalement que de la patience.