The night's still good for a glass or two

Abigail s'était retrouvée à Altaïr après une journée un peu trop chargée à son goût. Et le fait qu'on soit en plein mois de février n'arrangeait rien avec les tas de messages qu'elle recevait, les innombrables petits cadeaux qui s'entassaient dans sa poubelle. Elle ne supportait plus les regards, elle ne supportait plus les acclamations, elle ne supportait plus qu'on l'appelle "Héroïne" ou qu'on lui souhaite encore un avenir radieux. Radieux, il le serait, elle prendrait tout ce qu'il faut sur elle pour achever cette mission. Pour que chacun puisse voir ses espoirs se réaliser. Mais tout ce culte qui se jouait autour de sa personne lui donnait chaque jour un peu plus la nausée, un peu plus envie de ne plus quitter sa chambre.

A la recherche d'un refuge pour la soirée, elle se faufila dans les ruelles délabrées, une capuche rabattue sur ses cheveux et son habituel bandeau attaché autour du coup. Comme d'habitude elle portait une de ses robes noires et de longues bottes. Elle avait cependant renoncé à mettre ses gants. Ce qu'elle regrettait tant l'endroit semblait... sale. De son regard céruléen, elle scruta les décombres, elle avait récemment entendu quelques badauds parler d'un endroit, un bar qui serait à l'abri de tout, caché au milieu des décombres. Et un lieu à l'abri de tout, c'est ce qu'elle cherchait.

Suivant les indications qu'elle avait capté à la volé, elle finit par trouver la fameuse porte. En effet aucun drone de sécurité ne parviendrait ici sans ordre particulier. Habillement cachée sous les décombre, il lui fallut légèrement manœuvrer pour l'atteindre. D'un regard, elle prit soin de vérifier qu'elle n'avait pas été suivie avant de disparaître, pénétrant de son propre fait dans ce lieu, elle savait ce qu'elle risquait, mais elle ne supporterais pas de passer une nuit supplémentaire à cogiter dans son lit.

Une fois à l'intérieur, elle observe l'endroit. C'est bien la première fois qu'elle met les pieds dans ce genre d'espace et tout l'interpelle. Plantée à l'entrée ses yeux ciels dérivent sur tout ce qui peut passer à leur portée. L'ambiance tamisée, les odeurs, elle eut même l'impression d'avoir passé la frontière d'un autre monde. Comme si elle contemplait le résultat d'une nouvelle expédition. Malgré le fait qu'elle soit assez grande pour une jeune fille, elle n'en menait pas large face à cette ambiance qui lui semblait bien lourde. Mais pourtant plus supportable qu'ailleurs.

Elle glissa ses doigts contre les rebords de sa capuche tâchant de dissimuler au mieux les mèches blanches qui tombent devant son visage alors qu'elle s'avance doucement vers le comptoir, les lèvres pincées, le visage légèrement crispé. Elle sait pertinemment que ce qu'elle est en train de faire pourrait lui apporter des ennuis. Cependant, arbitrairement, elle les juge insignifiant face à ce qu'on lui inflige ou ce qu'elle s'inflige elle même. Elle relève doucement la tête vers la tenancière et tâche de reprendre contenance, de s'exprimer normalement, comme elle le fait d'habitude. Comme l'héroïne de l'arche.

"Bonsoir madame. J'aimerais boire de l'alcool."

Elle ignorait son propre manque de crédibilité trahissant fortement le fait qu'en plus de venir d'un autre quartier, elle ne connaissait rien à ce petit monde souterrain. Ses doigts se replièrent légèrement sur le bois qui gratte contre le bout de ses ongles. Elle pince de nouveau ses jolies lèvres, ses yeux vacillant inconsciemment de la barmaid à l'un des tabourets vides.

The night's still good for a glass or two

So now the favorite decides to come on low grounds ?

20:57

C'est une soirée comme une autre qui commence et qui s'annonce derrière ton comptoir. Les habitués sont déjà là, bien déterminés à commander de quoi boire pour toute la nuit. Mais tu aimes ça, ça te tiens occupée. Quelques timides sont là aussi, ceux d'Altaïr qui n'aiment pas nécessairement l'alcool mais aime l'ambiance familiale qui se dégage du bar. D'autres, sont simplement venus discuter. A deux, à trois. Peu importe. Ce bar n'était pas un simple bar. C'était l'adresse des rendez-vous amicaux, familiaux, amoureux même des fois. C'était l'adresse qu'on retenait quand on n'avait personne à qui parler, car la patronne se faisait toujours un plaisir à tendre l'oreille pour mieux conseiller, pour mieux calmer. Des fois simplement pour mieux vous changer les idées. Ce n'est pas parce que c'est la patronne qu'elle a toutes les réponses du monde, après tout. Tu es encore jeune, mais tu restes l'image d'une marraine aux yeux des habitants d'Altaïr. Celle qui réchauffe les cœurs grâce à la boisson, mais aussi grâce à sa seule présence.

Malheureusement, une réputation de ce genre n'est pas toujours très bien gardée. Bien que tout le monde fasse de son mieux, car tout le monde sait ce que toi, la marraine, risque à être tenancière de ce petit bout de paradis, des fois ce n'est simplement pas suffisant. C'était le cas ce soir, visiblement.
Elle ne s'en doutait sûrement pas, mais malgré le bruit ambiant et ton occupation à donner les différents alcools ainsi qu'à parler à certains quand ils le voulaient, tu l'avais remarqué tout de suite. Tu connais tout le monde à Altaïr. Sans exception. Peu importe leurs accoutrement de la journée, tu reconnais si la personne qui entre ton bar est d'ici ou non. Et elle, qui semblait vouloir rester couverte et qui vint se poster juste devant toi, elle ne venait pas d'ici.

❝ ━ Bonsoir madame. J'aimerais boire de l'alcool. ❞ Tu aurais pu rire. Laisser une moquerie mesquine s'échapper de ta bouche. C'est ce que tu aurais fait, normalement. Tu ne laisses pas les étranger entrer dans ton bar tranquillement sans leur faire comprendre qu'ici ce n'est pas chez eux, et que s'ils veulent rentrer en bon état ils n'avaient qu'à bien se tenir. Certains parent pour ne plus jamais revenir. Certains sont des amis de ta famille, alors tu ne dis rien. Mais tu te fais comprendre tout de même, à l'attitude, au regard. D'autres viennent, et comprennent. Mais ce soir, tu n'avais pas envie de te moquer. Tu n'avais pas envie de faire sortir ce ton froid que tu réserves aux nouveaux venus, non. Pas cette fois. Car cette dame qui venait demander de l'alcool de manière si peu crédible, ce n'était pas n'importe qui. ❝ ━ Ici personne ne se vouvoie. Vas-y, assieds-toi. ❞ Ta voix se voulait inexpressive, ni dure ni douce. Du geste de la main tu lui montras le siège juste devant toi, celui que Mischa occupée d'habitude, mais au vu de la compagnie d'aujourd'hui, tu doutes qu'elle t'en voudrais pour le geste. ❝ ━ Une bière ? Un cocktail ? Un shot ? ❞ Encore une fois, on ne pouvait trahir aucune émotion dans ta voix, mais on pouvait traduire ton comportement comme étant de la méfiance. Le danger était de taille. Elle n'était pas une simple étrangère, elle n'était pas une simple habitante d'un autre quartier venue prendre quelque verres. C'était Abigail, la bien connue, la trop connue. L'Héroïne. Il fallait être minutieuse. Elle n'avait pas l'air de venir chercher querelle, mais personne ne pouvait savoir si elle venait en espion ou non. L'Héroïne ici.. C'est vraiment pas bon signe. Putain. Tu n'aimes pas le danger. Plus encore, tu n'aimais pas mettre ta famille en danger. La gêne se sentait, les yeux se levaient. Il faut dire qu'il est rare de te voir impassible alors qui tu es derrière ton comptoir, toi pourtant si animée par ces moments d'intimités avec tes frères et sœurs, comme tu aimes à penser d'eux.

Tu lèves les yeux au dessus de sa tête, tu t'adresses maintenant à tous sauf à elle. ❝ ━ Désolée tout le monde, ce soir est un soir spécial. Nous avons une visite particulière, le bar ferme ses portes. ❞ Ne voulant pas qu'elle s'échappe, après cette annonce tu passas ton bras au dessus du comptoir pour lui attraper le bras et le poser sur le bois entre vous. ❝ ━ Toi tu restes là. ❞ Cette fois, le ton se faisait dur et ferme. Elle ne bougea point. Bien.
En peu de temps, tout le monde avait silencieusement quitté les lieux. Tu n'avais jamais encore fermé le bar si précipitamment, ils n'avaient pas besoin d'y réfléchir pour comprendre qu'il valait mieux écouter. Tu contournas le bois du comptoir histoire d'aller fermer la porte. Hélas, le bar ne se fermait pas à clef, mais tu pouvais au moins faire des lieu un endroit clos. Tu t'appuyas sur la porte, la fixant quelques secondes. Bon, quand faut y aller. Et tu revins à ta place initiale, en face d'elle.

Un verre de tequila pour toi, et de même pour elle. Elle ne devait pas avoir la moindre idée du goût, de toute manière, alors tu lui servis simplement ton péché mignon, ne voulant pas réfléchir. ❝ ━ Je ne te veux pas de mal. Aucun habitants ne te fera rien, mais tu ne peux pas espérer te ramener ici et que rien ne se passe. ❞ Un soupir, et tu repris la parole. ❝ ━ T'es pas n'importe qui. C'est dangereux pour moi si on te savait ici. Comment tu as connu le bar ? C'est un habitant qui t'en a parlé ? Tu as rassemblé les rumeurs qui circulent pour le retrouver ? ❞ Lui demander si elle venait la tête remplie de mauvaises intentions était vain, tu lui posas donc des questions moins accusatrices. ❝ ━ Et puis de toute façon, qu'est-ce que tu viens faire ici ? L'Héroïne a besoin de se bourrer la gueule maintenant ? ❞ Moins provocatrices, mais toujours teinté d'une pointe de mépris. Tu n'as jamais été une fan des explorateurs, c'est bien connu.
Tu la laissas avec ces questions et commença à écouter, au lieu de l'assaillir sans lui donner le temps de se défendre.

agora

La tenancière de cet endroit n'avait pas l'air trop aimable mais elle n'avait pas non plus l'air de ne pas l'être. Elle lui désigne un tabouret vide, juste en face d'elle. Sans doute habituée à recevoir du public elle avait su capter dans son regard cette interrogation silencieuse, à savoir si elle devait ou non poser ses fesses. Abigail resta quelques secondes sans bouger, observant cette jeune femme avant de se glisser doucement sur le siège qui lui était d'office attribué. Elle regretta ensuite de n'avoir fait d'avantage de recherche sur l'alcool, elle aurait dû savoir que comme nombre de boissons, elle pouvait être servie de manière diverses et variées. Aussi elle déduisit par les dénomination. Le Shot lui semblait l'option la plus salutaire pour commencer. Un shot ça sonne rapide, petit. De quoi bien commencer, du moins c'est ce qu'elle pensait.

"Je... Un shot s'il v... S'il te plaît."

Elle n'était pas chez elle et il lui valait mieux observer les règles et faire profil bas. De toute manière, elle ne voulait pas être reconnue alors autant ne pas faire d'histoires. L'ambiance sembla peu à peu devenir pesante faisant presque regretter à l'héroïne d'avoir franchi la porte de l'établissement. Nerveuse, elle commence à malmener sa lèvre inférieure n'osant regarder autre chose que le bois du comptoir et ses rainures qui se dessinaient devant elle, les parcourant vaguement du bout des ongles. Elle sursaute finalement presque lorsque la voix de la patronne s'élève de nouveau et se tasse presque sur son siège lorsqu'elle évince tout le monde, sauf elle. Merde. Les lèvres de nouveau pincée, elle obéit et ne bougea pas d'un iota, elle se demande cependant dans quel guêpier elle est allé se fourrer cette fois-ci.

Un verre finit par apparaître sous son regard, elle relève doucement la tête, son coeur bat en accéléré, elle sent une petite boule d'angoisse faire pression sur son diaphragme. Elle se demande ce qui est en train de se passer et ce qui va se passer. Le simple fait qu'elle commence par annoncer qu'elle ne lui voulait aucun mal la rassura déjà un peu, doucement elle hoche la tête, tâchant de ne rien laisser paraître de plus que ses lèvres pincées. Questionnée, elle écoute sans bouger avant de répondre. La tenancière n'avait pas tort. A quoi avait-elle pensé en venant ici, elle aurait pu avoir des ennuis et apporter des ennuis.

"Je... Désolé. J'ai entendu des gens en parler plusieurs fois. J'ai écouté et... Me voilà."

Léger soupir elle remonte finalement ses mains faisant tomber son couvre-chef, révélant ses cheveux blancs comme neige. Elle avait été percée à jour, cela ne servait plus à rien. Elle renifla vaguement le verre et son contenu. Légère grimace, qu'est-ce que ça sent fort. Elle se courba légèrement à la question fatigue, celle du pourquoi elle avait tout ce chemin. Celle du pourquoi est-ce que l'héroïne venait participer à quelque chose d'illicite. Elle prit une inspiration, rassemblant tous les morceaux de confiance en elle qui lui restait après ces derniers jours elle tenta de reprendre en consistance et de s'exprimer comme le ferait l'héroïne de l'arche.

"J'ai beau être l'héroïne de l'arche, j'ai encore le droit de faire ce que je veux, non ?"

A ces mots elle referma ses doigts sur le verre avant de le porter à ses lèvres en prélevant une grande gorgée. Réaction instantanée, elle en recrache une bonne partie sur le comptoir, elle tousse. Ça brûle. D'un revers de manche elle essuie ses lèvres. Grillée jusqu'au bout, elle lève finalement un regard presque implorant vers la tenancière. Demande silencieuse, qu'elle garde pour elle ce qu'elle venait de voir. Doucement elle repose le verre contre le bois, se râcle la gorge.

"Pardon..."

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